L’arrêt du jour 1B_234/2021 du 21 mai 2021 nous fait réfléchir sur la notion de récidive. Celle qui permet de maintenir un prévenu en détention provisoire selon l’art. 221 al. 1 let. c CPP.

Dans le cas d’espèce, le prévenu a été arrêté et placé en détention provisoire pour avoir circulé sans permis valable au volant de l’automobile de sa mère – sans le consentement de celle-ci – alors qu’il était sous l’emprise de cocaïne. Suite à une première prolongation de la détention provisoire du prévenu par le TMC, le prévenu a déposé une demande de mise en liberté, laquelle a toutefois été rejetée. Pour statuer, le TMC s’est basé sur un rapport d’expertise, lequel affirmait que le prévenu présentait un risque de récidive modéré à fort. Par la suite, cette même autorité a prolongé sa détention provisoire pour une durée de trois mois.

Le prévenu a recouru contre la décision de refus de mise en liberté ainsi que contre l’ordonnance prononçant la prolongation de sa détention préventive auprès de la Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan, qui a toutefois rejeté les deux recours, considérant notamment que l’état de santé de l’intéressé était préoccupant, que ses troubles du comportement assortis d’addictions multiples faisaient craindre un grave danger pour autrui au point que l’on pouvait faire abstraction de l’absence d’antécédents et que la mesure thérapeutique institutionnelle recommandée à titre de mesures de substitution – mais refusée par le prévenu – ne pouvait pas être mise en œuvre faute de place disponible. Les mesures de substitution proposées par le prévenu sous la forme d’un suivi ambulatoire n’apparaissaient en outre pas suffisantes aux yeux de l’autorité cantonale.

C’est donc auprès du Tribunal fédéral que la défense s’est tournée, ce qui s’est avéré être une bonne idée puisque le recours a été admis.

Notre Haute Cour commence en effet par rappeler sa jurisprudence relative à l’appréciation du risque de récidive en matière de détention provisoire et détention pour des motifs de sûreté. C’est ainsi qu’elle rappelle que pour que le risque de récidive puisse être retenu, trois conditions cumulatives doivent être satisfaites :

  1. Premièrement, le prévenu doit en principe déjà avoir commis des infractions du même genre et il doit s’agir de crime ou de délit grave.
  2. Deuxièmement, la sécurité d’autrui doit être sérieusement compromise.
  3. Troisièmement, une réitération doit, sur la base d’un pronostic, être sérieusement à craindre.

Pour établir le pronostic de récidive, le Tribunal fédéral rappelle que les critères déterminants sont la fréquence et l’intensité des infractions poursuivies et que cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l’aggravation telle qu’une intensification de l’activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent aussi être évaluées. De manière générale, selon le TF, il convient de considérer que plus l’infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences seront élevées quant au risque de réitération, respectivement que lorsque la gravité des faits et leurs incidences sur la sécurité sont particulièrement élevées, on peut admettre un risque de réitération à un niveau inférieur. Le risque de récidive comme motif de détention doit en principe n’être admis qu’avec retenue et un pronostic défavorable est nécessaire.

En l’espèce, selon le Tribunal fédéral, les infractions reprochées au prévenu ne constituent pas des délits de violence grave et délibérée et la fréquence de ses agissements n’ont pas mis des tiers particulièrement en danger. Par ailleurs, quand bien même l’expert qualifie le risque récidive de modéré à fort, il n’a pas mis en évidence une tendance à l’aggravation des comportements du prévenu. Dans un tel contexte où le maintien en détention du prévenu est motivé par le fait qu’un établissement adéquat n’a pas pu être trouvé, son maintien en détention provisoire contrevient au principe de la proportionnalité. Il reviendra donc à l’autorité cantonale d’instruire, puis d’ordonner des mesures de substitution adéquates.

Ce qu’il faut retenir de cet arrêt, c’est qu’en présence d’une expertise psychiatrique qui retient un risque de récidive modéré à fort chez l’expertisé, ce risque n’est pas suffisant à lui seul pour retenir un risque de récidive au sens de l’art. 221 al. 1 let c CPP lorsque les infractions reprochées au prévenu ne dénotent pas de violence particulière et n’ont pas mis des tiers particulièrement en danger. Il est encore nécessaire que les experts retiennent une tendance à l’aggravation des comportements du prévenu, faisant ainsi sérieusement craindre la commission de crimes ou délits graves de nature à compromettre sérieusement la sécurité d’autrui.

Le risque de récidive selon l’art. 221 CPP pourra ainsi être retenu soit en présence d’infractions graves, soit en présence d’infractions moins graves en crescendo vers des infractions graves compromettant la sécurité d’autrui.

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