La prescription de l’action pénale c’est le délai au-delà duquel l’auteur de l’infraction ne peut plus être condamné pour son prétendu méfait.

Au grand dam des parties plaignantes, il peut ainsi arriver que l’enquête ne progresse pas suffisamment vite et que l’infraction se prescrive avant même qu’un jugement de première instance puisse être rendu. Et les voilà privées de la possibilité de se faire dédommager par l’auteur de l’infraction.

Lorsque la prescription est atteinte parce que l’Etat, par ses agents (police, procureurs, magistrats), a « trainé » dans son enquête, le classement de l’affaire peut alors paraître injuste.

Mais tout n’est pas perdu. Pour les plaignants, il y a encore une vie après l’échéance de la prescription …

C’est ce que précise un récent jugement de la Cour européenne des droits de l’homme dans une affaire italienne Petrella c. Italie du 18 mars 2021 publiée il y a quelques jours.

A. Les faits

Un article potentiellement diffamatoire était publié le 22 juillet 2001 en première page d’un quotidien italien.

Le 28 juillet 2001, la personne visée, M. Petrella, dépose plainte en précisant qu’il entendait se constituer partie civile dans la procédure et demander dix milliards de lires italiennes ( correspondant à cinq millions d’euros). La plainte était transmise au Ministère public le 10 septembre 2001.

Plus de 5 ans après, le procureur demanda le classement sans suite de la plainte de l’intéressé en raison de l’intervention de la prescription de l’infraction pénale dénoncée.

Sur ce, le juge des investigations préliminaires classa la procédure le 17 janvier 2007.

B. Le droit

Le plaignant recourt jusqu’à Strasbourg, invoquant une violation des articles, 6 § 1 CEDH, 13 CEDH. La première section de la Cour européenne admet la requête sur les bases suivantes :

Ar. 6 § 1 CEDH : Procès équitable et célérité

La teneur de cette disposition est en substance la suivante : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) et dans un délai raisonnable, par un tribunal (…), qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) ».

Sur ce point la Cour rappelle que l’art. 6 § 1 CEDH est violé : « lorsque la clôture des poursuites pénales et le défaut d’examen de l’action civile étaient dus à des circonstances attribuables principalement aux autorités judiciaires, notamment à des retards excessifs de procédure ayant entraîné la prescription de l’infraction pénale ». 

Et en l’espèce : « la Cour constate que le requérant avait fait usage des droits et facultés qui lui étaient ouverts en droit interne dans le cadre de la procédure pénale et qui lui auraient permis, au moment de l’audience préliminaire, de demander réparation du préjudice civil dont il se disait victime. En l’occurrence, c’est exclusivement en raison du retard avec lequel les autorités de poursuite ont traité le dossier et de la prescription de l’infraction dénoncée que le requérant n’a pas pu présenter sa demande de dédommagement et que, par conséquent, il n’a pas pu voir statuer sur cette demande dans le cadre de la procédure pénale ».

Conséquence : Violation de l’article 6 § 1 CEDH : « Ce comportement fautif des autorités a eu pour conséquence de priver le requérant de voir ses prétentions de caractère civil tranchées dans le cadre de la procédure qu’il avait choisi de poursuivre et qui était mise à sa disposition par l’ordre juridique interne. En effet, l’on ne saurait exiger d’un justiciable qu’il introduise une action aux mêmes fins en responsabilité civile devant la juridiction civile après le constat de prescription de l’action pénale en raison de la faute de la juridiction pénale ».

Art. 13 CEDH : Recours effectif

Cette disposition prévoit que : «Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (…) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

Or en droit interne italien, la loi « Pinto » qui serait applicable à la responsabilité des agents de l’Etat n’était pas applicable à la partie lésée qui n’a pas pu se constituer partie civile dans une procédure pénale, ce qui était le cas du requérant Petrella du fait de la prescription de l’action pénale prononcée par le juge des investigations préliminaires.

Ainsi « la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention à raison de l’absence en droit interne d’un recours permettant au requérant d’obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention ».

C. En guise de conclusion 

On retient de cette affaire que, lorsque la prescription de l’action pénale intervient du fait de l’inaction des autorités de poursuite pénale, tout n’est pas perdu pour la partie plaignante.

En effet, sur la base de la Convention européenne des droits de l’homme, la partie plaignante doit disposer d’un recours effectif devant une instance nationale pour faire constater la violation de ses droits et ce quand bien même la violation de la Convention est le fait d’agents de l’Etat.

NB: A noter aussi pour aller plus loin les opinions dissidentes des juges WOJTYCZEK et SABATO qui peuvent fournir à la défense des pistes argumentatives intéressantes dans de telles situations …

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