Alors que les pays voisins ordonnent le confinement général, en Suisse, le Conseil fédéral y renonce pour des questions de proportionnalité. Il mise au contraire sur la responsabilité individuelle et collective, le sens civique de ses citoyens ainsi que leur discipline.

Beau pari, qui permettra peut-être de vérifier que l’effectivité de certaines règles de comportement ne dépend pas nécessairement de la sanction qui y est attachée, mais de la compréhension du sens et du but de la norme par tout un chacun ainsi que de l’adhésion du corps social à un comportement recommandé, car jugé bon ou préférable.

S’agissant ainsi de l’interdiction des rassemblements, les modifications apportées par le Conseil fédéral à l’Ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) (Ordonnance 2 COVID-19) interdisent désormais les rassemblements publics de plus de 5 personnes.

Ainsi, du point de vue du comportement incriminé, l’article 7c Ordonnance 2 COVID-19, intitulé “Interdiction des rassemblements dans l’espace public” prévoit désormais ce qui suit :

1 Les rassemblements de plus de cinq personnes dans l’espace public, notamment sur les places publiques, sur les promenades et dans les parcs, sont interdits.

2 Dans le cas d’un rassemblement de cinq personnes au plus, celles-ci doivent se tenir à au moins deux mètres les unes des autres.

3 La police et d’autres organes d’exécution habilités par les cantons veillent au respect des dispositions dans l’espace public.

S’agissant de la sanction qui l’assortit, l’article 10d Ordonnance 2 COVID-19, contient deux alinéas supplémentaires (al. 2 et al. 3 ) dont la teneur est la suivante :

2 Quiconque enfreint l’interdiction de rassemblement dans les lieux publics visée à l’art. 7c est puni de l’amende.

3 Les infractions à l’interdiction de rassemblement dans l’espace public au sens de l’art. 7c peuvent être sanctionnées d’une amende d’ordre de 100 francs, conformément à la procédure prévue par la loi du 18 mars 2016 sur les amendes d’ordre.

Il en découle d’abord que l’infraction dite d’interdiction des rassemblements dans l’espace public des articles 7c cum 10d al. 2 et 3 Ordonnance 2 COVID-19 est une contravention, dont la sanction est une amende de CHF 100.-. Cette amende peut être prononcée selon la procédure simplifiée prévue par la Loi sur les amendes d’ordre (LAO), à savoir être infligée directement par la police. A noter que selon l’article 13 LAO, le contrevenant a la possibilité de s’opposer à l’amende d’ordre. Ainsi, s’il ne paie pas l’amende immédiatement, il devra justifier de son identité et recevra un formulaire prévoyant un délai de réflexion et un bulletin de versement. S’il ne paie pas l’amende dans le délai prescrit, une procédure pénale ordinaire sera engagée (art. 6 LAO).

Il en découle ensuite que, d’après notre compréhension actuelle (et appelée à évoluer) de la norme, le comportement incriminé est le fait de :

  1. Se trouver dans un espace public à plus de 5 personnes, quelle que soit la distance les séparant, ou
  2. Se trouver dans un espace public à moins de 5 personnes, soit à partir de deux personnes se trouvant alors à moins de deux mètres l’une de l’autre.

Comme nous l’écrivions dans une précédente contribution, les questions d’établissement des faits (preuve du nombre de participants ou de la distance les séparant à un moment donné dans un lieu public déterminé notamment) promettent d’être tortueuses, sachant en particulier que les enregistrements vidéo à titre de preuve de personnes se trouvant sur le domaine public doivent répondre aux conditions de l’art. 282 CPP, lesquelles ne paraissent pas réalisées ici ….

II en découle également que cette infraction ne peut être commise que dans l’espace public et ne s’applique pas au domaine privé. Ainsi, les rassemblements dans l’espace privé restent interdits au titre des “manifestations privées” de l’art. 6 al. 1 Ordonnance 2 COVID-19, le Conseil fédéral ne fixant toutefois pas de plafond s’agissant du nombre maximal de personnes. Pour cela, il faudra se tourner vers le droit cantonal. Dans ce sens, on rappelle que dans le Canton de Vaud, l’Arrêté du 16 mars 2020 relatif aux mesures de protection de la population et de soutien aux entreprises face à la propagation du coronavirus COVID-19 prévoit à son article 2 al. 2 que “Les rassemblements privés sont limités à 10 personnes” et que, selon son article 16, la sanction en est potentiellement une amende de CHF 20’000.- (50’000.- en cas de récidive). On rappelle aussi que cette infraction cantonale liée aux rassemblements de plus de 10 personnes dans le cercle privé est hautement discutable tant du point de vue de sa légalité que de sa proportionnalité.

L’heure n’est toutefois pas à polémique juridique ou à l’analyse méticuleuse de ces nouvelles infractions, quand bien même elle sera rendue inévitable lorsqu’il s’agira d’empêcher des condamnations hâtives, injustes ou arbitraires. Car les risques de mésinterprétation, voire d’abus, sont réels en présence d’infractions aussi indéterminées parce qu’élaborées dans l’urgence.

En l’état, montrons nous simplement dignes de la confiance que le Conseil fédéral témoigne à sa population et démontrons que nous sommes prêts à accepter de fortes restrictions à nos libertés individuelles, non pas parce que nous craignons les sanctions qui y sont attachées, mais parce que nous comprenons le sens de ces interdictions et, en citoyens solidaires et responsables visant le bien commun, y adhérons.

Pour les nôtres et les autres, restons à la maison !

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