Dans un arrêt 1B_472/2021 du 22 mars 2022 destiné à publication, le Tribunal fédéral se penche sur la qualité pour recourir du ministère public contre l’indemnisation d’un tiers fondée sur l’art. 434 CPP pour les frais qu’il a subis en vue de satisfaire à une demande de production de pièces ordonnée par le ministère public. A/         Les faits Le 1er juillet 2020, la police argovienne a récupéré un porte-monnaie retrouvé dans les poubelles des toilettes d’un restaurant. Le propriétaire dudit objet s’est rapidement manifesté. Il a expliqué qu’un inconnu a dû lui dérober son porte-monnaie, le 30 juin 2020, lors d’un trajet en bus et en a dès lors vraisemblablement profité pour s’emparer de son contenant, soit une somme en liquide de CHF 730. Le 3 juillet 2020, le ministère public a ordonné, sur la base de ces explications, la production des enregistrements de la caméra de surveillance du bus emprunté par le propriétaire du porte-monnaie le jour et l’heure en question. La société de transport s’est conformée à la demande et a remis les enregistrements demandés. Elle a requis, par la même occasion, une indemnisation de CHF 250 pour cette édition de preuves. Le ministère public a, dans un premier temps, rejeté cette requête. Puis, il a indemnisé la société de transport à un hauteur de CHF 50 subséquemment à l’admission du recours de cette dernière devant l’autorité supérieure. La société de transport a décidé de ne pas en rester là et a, de nouveau, recouru devant l’autorité de recours qui lui a accordé une pleine indemnité de CHF 250 à la charge de l’Etat. Le ministère public a décidé de porter cette affaire devant le Tribunal fédéral. B/         Le droit La question centrale de cet arrêt réside dans la qualité pour recourir du ministère public devant le Tribunal fédéral, au sens de l’art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF. Le parquet a qualité pour recourir dans la mise en œuvre de l’action pénale en tant que telle ou des questions de droit matériel ou procédural qui y sont liées (ATF 134 IV 36 consid. 1.4.3). Dans la plupart des cas, un intérêt juridique doit être reconnu à l’accusateur public. Toutefois, l’intérêt juridiquement protégé ne peut être admis de manière générale et doit être démontré à chaque fois par le ministère public, conformément aux exigences de motivation de l’art. 42 al. 1 LTF (ATF 141 IV 289 consid. 1.3). Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral estime que la qualité pour recourir du ministère public contre une décision octroyant une indemnité pour le dommage subi par un tiers dans le cadre d’une procédure pénale en cours n’est pas manifeste (consid. 1.4). Dans cette configuration, le parquet est tenu d’expliquer en quoi il dispose d’un intérêt juridiquement protégé (arrêt 6B_1314/2016 du 10 octobre 2018 consid. 1.4.3). Dans le contexte des frais de la procédure pénale, notre Haute Cour rappelle qu’elle avait déjà eu l’occasion d’admettre la légitimation du ministère public de contester : En revanche, la qualité pour recourir a été déniée au ministère public lorsqu’était en jeu la répartition des frais de la procédure d’appel entre le prévenu condamné et l’Etat. La clé de répartition ne touche pas les tâches que le ministère public doit défendre et qui fondent une légitimation à recourir (6B_1314/2016 du 10 octobre 2018 consid. 1.4.). Dans le cas d’espèce, l’autorité supérieure cantonale a accordé une indemnité à la société de transport sur la base de l’art. 434 CPP. Ces frais doivent être supportés par l’Etat dans le cadre d’une responsabilité causale et ne peuvent être mis à la charge ni du prévenu ni de la partie plaignante, faute de base légale suffisante (consid. 1.5). Selon le Tribunal fédéral, cette situation est comparable à la contestation de la clé de répartition des frais de procédure entre le prévenu condamné et l’État. Les Juges de Mon-Repos retiennent, dans un raisonnement par analogie, que la décision indemnisant un tiers pour le dommage subi en raison d’un acte de procédure ne touche pas au domaine d’activité du ministère public et donc pas un intérêt qu’il doit défendre. Les Juges fédéraux précisent tout de même qu’un intérêt juridiquement protégé pourrait être reconnu lorsque la décision attaquée a une importance préjudicielle pour l’accomplissement des tâches du ministère public et où des intérêts publics importants sont ainsi en jeu. Le recours est par conséquent déclaré irrecevable. A noter que le Tribunal fédéral a condamné l’Etat au versement d’une indemnité de CHF 2’500 à la société de transport pour ses frais d’avocats. Une déconvenue salée pour le ministère public, en somme.

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