[av_textblock size=” av-medium-font-size=” av-small-font-size=” av-mini-font-size=” font_color=” color=” id=” custom_class=” av_uid=’av-khza2b2i’ admin_preview_bg=”] Un vélomoteur circule à Lausanne, une camera GoPro fixée sur le guidon, qui filme tout ce qui passe dans son champ … dont un automobiliste qui le dépasse en klaxonnant, se rabat subitement devant lui et freine à l’improviste alors que le vélomoteur se trouvait encore à hauteur de son flanc arrière droit.

Le ministère public met la main sur l’enregistrement de la GoPro et s’en sert comme preuve pour démontrer les infractions à la LCR. L’automobiliste sera condamné en première instance pour violation simple et grave des règles de la circulation à une peine de 30 jours-amende à CHF 30 le jour ainsi qu’à une amende de CHF 3000.-.

Cette condamnation sera confirmée par la Cour d’appel.

Recours – admis – de la défense au Tribunal fédéral, qui aboutit – après l’arrêt dit de la Dashcam sur l’inexploitabilité des preuves collectées par les privés – à un arrêt GoPro 6B_1282/2019, destiné à la publication.

En substance, le raisonnement du Tribunal fédéral sera le même que celui développé dans l’arrêt Dashcam, puis affiné dans plusieurs arrêts récents en matière d’exploitabilité de preuves recueillies par des particuliers.

Questions/ Réponses qui en découlent :

1) Les données telles que les plaques d’immatriculation font-elles l’objet d’une protection par la loi sur la protection des données ? Oui, car il s’agit de données personnelles (art. 3 lit. a LPD) protégées au titre des droits de la personnalité. En effet, ” le droit au respect de la sphère privée tend notamment à éviter que n’importe quelle manifestation de la vie privée survenant dans la sphère publique soit diffusée dans le public. Un individu ne doit pas se sentir observé en permanence ; il doit pouvoir, dans certaines limites, décider lui-même qui peut posséder quelles informations le concernant, et quels événements et incidents de sa vie personnelle doivent au contraire demeurer“.

2) Ce droit est-il absolu ? Non, l’article 13 de la Loi sur la protection des données prévoit des motifs justificatifs concernant les atteintes à la personnalité. Ainsi : “Une atteinte à la personnalité est illicite à moins d’être justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi“.

3) Comment traiter de telles données/informations/preuves dans le cadre d’une procédure pénale ? En procédant à une analyse en deux temps. Ainsi, “lorsqu’un moyen de preuve a été recueilli par un particulier en violation des principes ancrés dans la LPD (art. 12 LPD), il y a lieu, dans un premier temps, d’examiner s’il existe des motifs justificatifs au sens de l’art. 13 LPD (étant rappelé qu’ils sont admis avec retenue, en particulier lors d’enregistrements au moyen d’une caméra embarquée, en matière de circulation routière)“.

Après cet examen, deux hypothèses peuvent se présenter :

  1. Si l’illicéité de l’atteinte à la personnalité peut être levée par un motif justificatif, la preuve est exploitable sans restriction.
  2. Si la preuve doit être qualifiée d’illicite, il convient, dans un second temps, d’examiner les conditions d’exploitabilité prévalant en procédure pénale (cf. art. 141 al. 2 CPP). Et ces preuves “illicites” ne seront exploitables qu’à la double condition cumulative qu’il s’agisse (a) d’infractions graves et (b) que les autorités de poursuite pénale auraient pu obtenir ces moyens de preuve légalement, étant précisé que la notion d’infraction grave au sens de 141 al. 2 CPP doit s’apprécier “au regard de la gravité de l’acte concret et de l’ensemble des circonstances qui l’entourent, et non abstraitement selon la peine menace de l’infraction en cause (arrêt 6B_1468/2019 du 1er septembre 2020 consid. 1.4.2, destiné à la publication, précisant la portée de l’arrêt 6B_1188/2018 du 26 septembre 2019 consid. 4, destiné à la publication)“.

4) Qu’en est-il donc des enregistrements de notre GoPro ? licites ou non ? Exploitables ou pas ?

Réponses aux considérants 7.1 et 7.2 de l’arrêt du Tribunal fédéral.

Sur l’illicéité, 7.1A l’instar d’une  dashcam, la caméra GoPro fixée sur le guidon du cyclomoteur enregistrait en continu ce qui entrait dans son champ de vision, sans discrimination, et n’était pas reconnaissable (cf. jugement entrepris consid. 3.3 p. 10; Explications PFPDT dashcam; cf. également DAVID RAEDLER, op. cit., p. 141; YVAN JEANNERET, op. cit., p. 57 s.). Dans les circonstances d’espèce, il y a lieu d’admettre, avec le recourant, que les prises de vue de la caméra GoPro concernant sa plaque d’immatriculation constituent une atteinte à sa personnalité (art. 4 al. 4 et 12 al. 2 let. a LPD; cf. arrêt 6B_1188/2018 précité consid. 3, destiné à la publication).  Compte tenu des particularités de l’enregistrement, de la nature des infractions reprochées (violation simple et grave des règles de la circulation routière) et du fait que le dépassement en cause n’a pas occasionné d’accident ou de lésion, on ne saurait admettre de motif justificatif déduit de la pesée des intérêts en présence (cf. supra consid. 3 et 5). Pour le surplus, il n’est pas fait état d’un consentement du recourant, ni d’un motif justificatif légal. Aucun motif justificatif déduit de l’art. 13 al. 1 LPD n’étant réalisé en l’espèce, il convient de qualifier les prises de vue recueillies par le cyclomotoriste d’illicites.”

Sur l’exploitabilité, 7.2 : “Reste à déterminer si ce moyen de preuve est néanmoins exploitable au regard de la gravité de l’infraction reprochée (cf. art. 141 al. 2 CPP). De manière abstraite, les infractions en cause (art. 90 al. 1 et 2 LCR) ne sauraient être qualifiées de graves au sens de l’art. 141 al. 2 CPP (arrêt 6B_1188/2018 du 26 septembre 2019 consid. 4, destiné à la publication; ATF 137 I 218 consid. 2.3.5.2 p. 224). En tout état, compte tenu notamment du bien juridique protégé et de l’intensité de la mise en danger, le dépassement en cause n’atteint pas le niveau de gravité requis pour justifier l’exploitation du moyen de preuve au regard des circonstances concrètes (cf. arrêt 6B_1468/2019 du 1 er septembre 2020 consid. 1.4, destiné à la publication). Dans la mesure où l’enregistrement vidéo est inexploitable pour ce motif, il n’y a pas lieu d’examiner la question de savoir si les autorités de poursuite pénale auraient pu obtenir ce moyen de preuve légalement.

Un arrêt très didactique et qui est déjà un Collector en matière d’exploitabilité de preuves “collectées” par des particuliers, puisque le Tribunal fédéral y passe en revue de manière claire, précise et exhaustive toute la doctrine ainsi que la jurisprudence rendues en la matière.

Belle leçon de droit. Et belle victoire pour le droit à la vie privée (dans la sphère publique …) !
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