Le Tribunal fédéral a tranché.

Le recours du Ministère public contre le jugement qui acquittait l’ancien Conseiller d’État Pierre Maudet est partiellement admis et le dossier renvoyé à la Cour d’appel afin qu’elle condamne Pierre Maudet pour acceptation d’un avantage.

Cet arrêt (6B_220/2022 du 31 octobre 2022), rendu dans une composition à 5 juges et dans un domaine que la jurisprudence n’aborde pas souvent, fera assurément l’objet de nombreux commentaires passionnants sur les art. 322quinquies CP et 322sexies CP (octroi et acceptation d’un avantage).

Dans l’immédiat toutefois, nous en retenons que certains des propos employés par Pierre Maudet lors de ses auditions semblent avoir été interprétés à son encontre pour justifier sa condamnation.

Tel est en particulier le cas du “malaise” que l’ancien Conseiller d’État dit avoir ressenti par rapport à une invitation à Abou Dhabi, “dès lors qu’il ne concevait pas que quelqu’un d’autre que lui-même, et encore moins un État étranger, paie les vacances de sa famille. Il y avait également perçu un risque politique, soit en l’occurrence celui qu’il fût exposé médiatiquement et que sa famille fût mise en cause“.

Ce “malaise”, exprimé en procédure, démontrerait ainsi que Pierre Maudet était conscient du caractère indu de l’avantage et s’était accommodé d’en avoir bénéficié en raison de ses fonctions officielles :

Ces différentes circonstances, et en particulier celles en lien avec le malaise que A.________ a décrit avoir ressenti avant le voyage, attestent, comme cela a été retenu par la cour cantonale, qu’il avait bien conscience du caractère indu de l’invitation particulièrement généreuse qu’il avait reçue en sa qualité de Conseiller d’État, en tant qu’elle portait sur un séjour luxueux tous frais payés, de dimension essentiellement privée et d’agrément, et élargie à sa famille ainsi qu’à ses amis C.________ et B.________.

(…)

Malgré cela, A.________ a néanmoins accepté de répondre favorablement à l’invitation au Grand Prix et de profiter de son ” expédition en famille “, tous frais payés, s’accommodant ainsi du risque de se voir reprocher d’avoir confondu ses intérêts privés avec ceux liés à l’apparence d’un accomplissement libre et intègre de sa charge de Conseiller d’État” (consid. 2.7.1).

Voilà donc un “malaise” qui scelle l’intention coupable sous sa forme la plus diluée (particulièrement frêle en l’espèce !), celle du dol éventuel, et qui illustre bien la formulette rituelle “tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous !”.

Et contrairement à ce que la Cour d’appel avait retenu pour acquitter PIerre Maudet, le Tribunal fédéral souligne que l’infraction d’acceptation d’un avantage n’exige pas que les raisons pour lesquelles le corrupteur octroie l’avantage soient connues.

Ainsi, pour le Tribunal fédéral : “ il est sans importance que l’agent ait réellement l’intention ou non d’adopter le comportement attendu de lui, ni d’ailleurs qu’il reçoive effectivement ou non l’avantage promis (cf. arrêt 6B_391/2017 du 11 janvier 2018 consid. 5.2 et la référence citée), si bien que, sur le plan subjectif, il suffit en définitive que l’agent public s’accommode du fait que l’avantage indu lui soit remis ès qualités pour l’influencer dans l’exercice de ses fonctions officielles (cf. DYENS, op. cit., n° 8 ad art. 322sexies CP) ” (consid. 2.4.1).

Ce qui compte est donc de : ” déterminer si, objectivement, les personnes impliquées dans l’octroi de cet avantage indu disposaient d’un intérêt à bénéficier à l’avenir de la bienveillance des agents publics et si, subjectivement, ces derniers en étaient conscients et s’étaient dès lors accommodés de l’éventualité que l’avantage indu leur avait été remis en leurs qualités pour les orienter de quelque manière dans l’exercice de leurs fonctions officielles.” (consid 2.4.2).

Or, pour le Tribunal fédéral tel était le cas en l’espèce, l’infraction d’acceptation d’un avantage est donc réalisée.

Développements à suivre…

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